Dossier spécial

La réforme à l'examen

Les T.S. à l’assaut de l’austérité


Par

Je suis étudiante de dernière année au baccalauréat en travail social de l’Université McGill. Également diplômée en Techniques d’intervention en délinquance, je m’apprête à déposer ma demande d’admission à la maîtrise. Mes objectifs de carrière sont clairs et précis: je tiens à en apprendre le plus possible sur le travail social afin de pouvoir être une alliée ferme et solide des populations vulnérables et marginalisées d’ici et d’ailleurs. En ce sens, je ne ferme pas la porte à des études doctorales en service social, à l’enseignement postsecondaire dans le domaine, à la scénarisation de films documentaires voulant secouer les idées reçues ainsi qu’à la rédaction d’ouvrages et d’articles destinés à la population en général. Tous les moyens sont bons pour faire avancer la collectivité et faire changer certaines mentalités. Je suis jeune, passionnée et je déborde d’énergie et de motivation.

En tant que future professionnelle, je suis sans doute animée, bien malgré moi, d’une certaine naïveté. Les politiques d’austérité qui s’insèrent insidieusement dans la société québécoise me heurtent, m’affectent et me concernent sur plusieurs fronts. Le contexte actuel (et futur) pourrait faire ralentir mon enthousiasme. J’ai déjà senti chez plusieurs de mes collègues, que ce soit en stage, dans les salles de cours ou dans des milieux de travail, un épuisement ainsi qu’un certain désenchantement. Plusieurs se réorientent même, désabusés de ne pouvoir pratiquer dans des conditions optimales, avec les idéaux qu’ils s’étaient imaginés sur les bancs d’école. Comme vous le savez sans doute, plusieurs d’entre nous entrent dans la profession en espérant « changer le monde » ce qui a son lot d’avantages et d’inconvénients.

Des coupes et des politiques idéologiques

Le 27 août dernier, je me suis rendue à la deuxième édition de l’évènement «Épluchons l’Austérité», organisé par le collectif Ahuntsic-Montréal-Nord. C’est en mangeant des épis de maïs que plusieurs citoyens, membres de groupes communautaires, étudiants, travailleurs sociaux et travailleuses sociales se sont réunis afin d’écouter plusieurs allocutions portant sur les impacts des politiques d’austérité récemment mises en place par le gouvernemental libéral de Philippe Couillard. Ces impacts se ressentent en éducation, en santé et services sociaux ou encore en ce qui a trait aux logements sociaux. Il est également important de souligner que les impacts de ces politiques ont des effets aggravés pour les femmes, tel que dénoncé par divers groupes sociaux.

Les femmes sont les premières prestataires de services dans les domaines directement touchés par les coupes, mais elles sont également plus nombreuses à bénéficier de ces mêmes services qui sont aujourd’hui précarisés. Ces questions concernent hautement les aspirants travailleurs sociaux, car non seulement notre formation nous donne accès un champ d’action excessivement vaste, mais elle nous donne un cadre d’analyse des inégalités sociales qui prend en compte «la personne dans l’environnement». En ce sens, nous travaillons également en amont, à la source de ces aberrations qui découlent de décisions gouvernementales qui semblent suivre une idéologie précise. Nous ne nous contentons pas d’explications purement individuelles et personnelles de ces phénomènes sociaux.

Garder ses idéaux, des bancs d’école au terrain

J’ai réalisé un stage d’une année au CLSC Saint-Henri au programme de soutien à domicile. Je m’apprête à entamer un stage en oncologie, au site Glen. J’ai constaté qu’une pression s’exerce actuellement sur les travailleurs sociaux pour qu’ils en fassent toujours plus avec moins. Cela aura très certainement un impact sur la qualité des services donnés à la population. Et ce, malgré le travail acharné des travailleurs sociaux qui ne demandent qu’à donner le meilleur d’eux-mêmes et qui ont choisi ce métier car ils tiennent sincèrement à améliorer le monde dans lequel ils vivent par solidarité envers leur prochain.

Des réformes il y en a eu plusieurs par le passé. Il y en aura sans doute encore. Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve, mais une chose est sure, je ne souhaite pas abandonner la mission que je me suis donnée en choisissant le travail social. En fait, je n’ai jamais un seul instant douté de mon choix de carrière malgré les défis qu’il représente. Cette mission n’a peut-être pas la cote et n’est sans doute pas très glamour, mais elle est importante pour moi et plusieurs de mes concitoyens. Je n’ai pas l’intention de la lâcher de sitôt. Pour moi, les travailleurs sociaux se doivent d’être à l’assaut de l’austérité. C’est le fondement même de notre profession.