Dossier spécial

Les déterminants sociaux de la santé

L’intégration de multiples déterminants sociaux de la santé


Par

Enjeux en santé mentale 

La santé mentale est largement négligée à travers le monde (Chisholm et al., 2007; Yasamy et al., 2011; OMS, 2013). Au Canada, plusieurs personnes vivant avec des problèmes de santé mentale ne reçoivent pas les traitements médicaux dont elles ont besoin, ont une qualité de vie inférieure au reste de la population, et souffrent souvent en silence (MSSS, 2005; MHCC, 2012; OMS, 2013). Pour combler ces défis, la tendance mondiale est de renforcer les capacités en soins primaires, notamment en facilitant l’intégration des soins médicaux de santé mentale en première ligne (OMS, 2001; MSSS, 2005; OMS, 2008; MHCC, 2012; OMS, 2013). Malgré ces efforts visant le domaine médical, pourquoi parlons-nous encore d’une augmentation de prévalence en santé mentale dans les années à venir, et pourquoi avons-nous des inquiétudes par rapport à la qualité de vie des personnes vivant avec des problèmes de santé mentale? Ce texte explore l’importance d’inclure une multitude de déterminants sociaux de la santé dans le rétablissement des personnes vivant avec des problèmes de santé mentale, ainsi que le rôle des travailleurs sociaux dans ce domaine.

Le rétablissement : axé sur
plusieurs déterminants sociaux de la santé

Le rétablissement en santé mentale est défini en tant que processus personnel et unique, qui permet de vivre une vie pleine malgré les limitations causées par la maladie (Anthony, 1993). Anthony (1993) stipule que pour promouvoir ce concept, un système communautaire de support doit être mis en place afin que l’emphase ne soit pas seulement sur le domaine médical. En d’autres mots, afin de promouvoir le rétablissement des personnes vivant avec des problèmes de santé mentale, il faut penser à la globalité de la personne, de manière holistique (MSSS, 2005). Outre le domaine médical, plusieurs composantes sont alors essentielles : des logements abordables, un environnement sécuritaire, des emplois sains et équitables, une protection sociale, une inclusion sociale et une chance de participer à la société. Ces éléments ont un impact majeur sur la qualité de vie des personnes vivant avec des problèmes de santé mentale, et en conséquence, leur rétablissement de la maladie (OMS, 2004; Fleury et Grenier, 2012; Salois, 2012).

Ceci étant dit, la tendance mondiale actuelle centrée sur le renforcement des soins médicaux de santé mentale en première ligne ne peut être le seul accent pour réduire la prévalence des problèmes de santé mentale et augmenter la qualité de vie des personnes. Selon le plan d’action en santé mentale du Québec (2005), il faut développer des moyens qui donneront aussi de l’espoir à ces personnes et qui encourageront leur participation dans la société, une notion qui a été d’ailleurs renforcée par Marc Lalonde, en 1974. Il fut le premier à mettre plus d’emphase sur l’environnement social et physique de la personne que sur l’organisation des services de santé médicaux (Lalonde, 1974).

En 2012, 371 organisations communautaires s’occupaient des domaines non médicaux liés aux déterminants sociaux de la santé pour les personnes vivant avec des problèmes de santé mentale (Fleury et Grenier, 2012; Salois, 2012). Toutefois, il est difficile de coordonner les soins entre ces organisations communautaires et le domaine médical parce que l’emphase continue d’être placée sur la médicalisation du rétablissement, souvent au détriment de l’environnement social et physique. Ceci est particulièrement problématique pour les travailleurs sociaux qui ont comme rôle « de soutenir et rétablir le fonctionnement social de la personne dans le but de favoriser son développement optimal en interaction avec son environnement » (OTSTCFQ, 2015). Aussi, Salois (2012) rapporte que les organisations communautaires qui sont préoccupées par les déterminants sociaux de la santé sont souvent sous-financées, ce qui rend difficile d’élargir leur rôle et importance dans la communauté. Ce sous-financement affecte la qualité et quantité de services centrés sur les déterminants sociaux visant l’environnement social et physique de la personne (Grenier et Fleury, 2009).

Que faire?

Une composante importante de la profession de travailleur social est le plaidoyer (Dalrymple & Boylan, 2013). Un plaidoyer est toujours réflexif sur des initiatives efficaces qui peuvent améliorer la vie d’autrui. Comme le suggère le plan d’action en santé mentale du Québec (2005), il est primordial que les différentes disciplines (ex. : les médecins et les travailleurs sociaux) travaillent ensemble afin de créer un « partenariat interdisciplinaire fondé sur un travail conjoint réel » (p. 43). Ce partenariat est créé en insistant sur l’importance du rôle de travailleur social au sein d’une équipe interdisciplinaire. Pour viser le sous-financement des organisations communautaires, les travailleurs sociaux peuvent montrer l’importance du domaine environnemental social et physique à travers leur participation au domaine de la recherche ou à des conférences qui visent à promouvoir l’amélioration de la qualité de vie des personnes vivant avec des problèmes de santé mentale. La prestation des services en santé mentale peut être fortement influencée par l’expérience pratique des travailleurs sociaux et nous ne pouvons la sous-estimer ou la négliger.