Douze aspects à prendre en compte

« Quand l’argent monte, les droits baissent. »

Blase Bompane

Comment placer et replacer nos regards et nos actions sur la pauvreté dans un contexte plus large qui nous concerne toutes et tous? Une recherche réalisée en 2010[1], avec des personnes en situation de pauvreté, des intervenant·e·s communautaires, des fonctionnaires et des chercheur·e·s, sur des recherches « au goût » de ces quatre groupes d’acteurs en direction d’un Québec sans pauvreté a laissé entrevoir certaines convergences. On y trouve les aspects suivants :

  • la rigueur;
  • assumer les postures et s’ancrer dans le réel;
  • dépasser le chiffre et croiser les perspectives;
  • dépasser l’individuel et intégrer le structurel;
  • intégrer le participatif;
  • chercher pour agir et transformer pour le mieux;
  • concilier les enjeux de confiance et d’indépendance réciproques;
  • assurer une gouvernance cohérente des recherches.

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Ce qui vaut pour la recherche vaut sans doute aussi pour l’intervention et l’action transformatrice.

Il n’est pas toujours facile, voire possible, de concilier les perspectives gouvernementales et les perspectives venant de la société civile, dont les cadres de référence peuvent être fort différents[2]. Par exemple, gérer les finances publiques et générer des politiques qui font tourner l’économie et assurent la production des biens et services vs générer de la qualité de vie mieux partagée. La façon de concevoir la richesse, sa production et sa distribution variera en fonction de ces perspectives. Les mettre en dialogue est-il possible? Cela suppose à tout le moins une certaine parité dans l’exposition des expertises qui se construisent de parts et d’autres.

L’expertise gouvernementale véhiculée dans les publications officielles est précieuse pour situer les données chiffrées, les éléments de politiques et les règles du jeu que celles-ci installent dans la société. Elle est aussi porteuse de non-dits, de sous-entendus, voire de désinformations. L’expertise citoyenne n’en est pas exempte. Elle est toutefois porteuse de savoirs critiques et expérimentés, notamment en matière de défense des droits, qui peuvent contribuer à contraster les positions officielles par des éléments de réalité qui demandent aussi considération. Cette expertise est tout autant nécessaire pour informer les débats et contribuer aux changements de mentalités requis pour amener une société et des institutions politiques à se mettre en question et à avancer vers plus d’égalité[3]. C’est notamment le cas pour plusieurs aspects pouvant conduire à contrer les préjugés qui centrent l’attention sur la modification des comportements des personnes en situation de pauvreté et à faire une part plus large aux aspects systémiques qui ne relèvent pas d’elles.

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On sait aussi que les sociétés plus égalitaires ont ceci de particulier qu’elles favorisent des cercles vertueux entre des décisions publiques sensibles à l’expertise des mouvements sociaux et une vigilance citoyenne informée des rouages de sa société (civic literacy). D’où l’importance de faire droit à cette expertise.

 

EngrenageEXERCICE 8 : Quelle part faisons-nous aux perspectives gouvernementales et citoyennes sur les enjeux touchant des personnes en situation de pauvreté dans nos actions et interventions? Les connaissons-nous?

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Cette partie du dossier vise à intégrer de tels points de vue et à faciliter une approche élargie plus compatible avec de réelles avancées en direction d’un Québec et d’un monde sans pauvreté, riche pour tout le monde et riche de tout son monde.

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[1] Labrie, V., et Gagnon, É. (2011). Des recherches «à votre goût» dans l’esprit et le sillage de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, une consultation pour explorer avec quelques acteurEs. Québec: CSSS-VC. Voir http://www.cersspl.ca/fileadmin/user_upload/documentations/fichiers/Des_recherches_a_votre_gout_-_fev_2011__word_2007__01.pdf

[2] Ravi Kanbur mentionne par exemple les différences entre des approches de type «Ministère des finances» et des approches de type «Société civile», qui partent de perspectives et de préoccupations différentes (Kanbur, R. 2001. «Economic Policy, Distribution and Poverty: The Nature of Disagreements». World Development, 29, 6, June 2001, 1083-1094, doi: https://doi.org/10.1016/S0305-750X(01)00017-1 ).

[3] Henry Milner s’est beaucoup intéressé à la façon dont une action citoyenne informée peut contribuer à établir des cercles vertueux vers des décisions publiques génératrices de plus de justice sociale (Milner, H. 2002. Civic literacy : How informed citizens make democracy work. Tufts University, Hanover and London: New England University Press).

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