Notre ordre professionnel; son mandat, ses pouvoirs, ses limites

Par | Publié le | dans la catégorie À l'Ordre

Il y a fort à parier que si l’on interroge des travailleurs sociaux, des thérapeutes conjugaux et familiaux ou tout autre professionnel quant au principal mandat d’un ordre, la très grande majorité répondra assurément «la protection du public, bien sûr!».

Pourtant, même si cela semble évident, il n’en demeure pas moins qu’en période trouble, les attentes des membres envers leur ordre peuvent varier. Ainsi, les transformations profondes que subit le système de santé et de services sociaux depuis quelques années, les impacts de cette restructuration non seulement sur la quantité et la qualité de l’offre de services sociaux, mais également sur vos conditions de pratique, font en sorte que les attentes sont particulièrement élevées.

Ne sachant plus à quel saint se vouer, bien souvent des travailleurs sociaux ont le réflexe de se tourner vers leur ordre pour chercher de l’aide. Toutefois, ces attentes doivent demeurer réalistes en fonction du mandat qui nous est confié par le système professionnel.

Qu’en est-il de ce mandat?

L’OTSTCFQ, comme tous les ordres professionnels, possède certains pouvoirs, mais se voit surtout confier plusieurs responsabilités par l’État, nos activités étant encadrées par la loi (le Code des professions). Ainsi, notre mandat de protection du public nous oblige à veiller à la compétence des candidats à l’exercice de nos professions, à établir des normes professionnelles et nous assurer de leur respect.

D’autres responsabilités nous sont également imposées : l’inspection professionnelle, la surveillance de l’utilisation des titres et de l’exercice des activités réservées, la gestion du processus disciplinaire, la réception des plaintes et la tenue des enquêtes.

Ces activités réglementées sont encadrées par l’Office des professions, à qui nous devons rendre des comptes.

Qu’est-ce qui distingue un ordre d’un syndicat, d’une association professionnelle, d’un groupe de pression?

Les syndicats sont des regroupements de personnes pour la défense ou la gestion d’intérêts communs. Il peut s’agir d’intérêts professionnels, économiques, sociaux, moraux ou politiques, de lutte contre la discrimination à l’endroit de leurs membres, ou encore de négociation de conventions collectives englobant conditions de travail, salaires, etc. (par exemple (FPCSN), Fédération des professionnels de la CSN ou (APTS) Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux).

Les associations professionnelles ont pour mandat de défendre les intérêts d’une profession en particulier, de la faire progresser et de revendiquer, au nom de ses membres, des conditions de travail, de rémunération, etc. Par exemple, le Regroupement pour l’Avenir de la profession infirmière au Québec (RAPIQ), dont la mission est de : « Promouvoir la profession infirmière et de prendre position sur les différents enjeux de santé vécus au Québec. (…) Il a pour but d’exposer, de partager et de mettre en valeur des actions et des solutions concrètes pour mieux positionner la profession au sein de la société québécoise, et ce, en toute autonomie ».

Enfin, les groupes de pression ont pour mission de représenter et de défendre une cause précise ou les intérêts d’un groupe donné, en exerçant des pressions ou des influences sur des personnes ou des institutions détentrices de pouvoir. On trouve par exemple le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) : « Le FRAPRU est un regroupement national pour le droit au logement. Il est aussi actif sur les enjeux d’aménagement urbain, de lutte contre la pauvreté et de promotion des droits sociaux ».

Votre ordre professionnel: des contraintes, mais aussi des avantages

Notre statut comporte toutefois des avantages non négligeables: nous avons le devoir d’éclairer l’État sur des enjeux concernant notre mandat. C’est d’ailleurs ce qui nous a permis de définir ainsi notre mission : «Soutenir et encadrer l’exercice professionnel des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux; se prononcer sur les enjeux touchant le travail social et la thérapie conjugale et familiale, l’accès aux services à la population, ainsi que les lois, règlements et programmes qui ont un impact sur la prévention des problèmes sociaux et le bien-être des personnes, des familles et de la société. Ces interventions se fondent sur les principes de justice sociale et de droits humains».

Dans nos mémoires et nos publications, nous affirmons que nos actions reposent sur notre rôle social :

« Au-delà de son mandat de protection du public, l’OTSTCFQ a toujours cru qu’il était de son devoir de prendre part aux débats qui portent sur les grands enjeux sociaux. C’est dans notre nature de nous préoccuper des enjeux fondamentaux comme la pauvreté et l’exclusion sociale, la violence, l’itinérance ou la toxicomanie, qui atteignent l’individu dans sa dignité. Toutefois, pour bien jouer son rôle d’observateur et d’expert, l’OTSTCFQ doit intervenir en fonction des compétences de ses membres, lesquels ont développé des expertises qui lui permettent de porter sur plusieurs enjeux un regard particulier, de voir ce que d’autres ne voient pas. C’est ce qui nous permet de rester crédibles dans nos prises de position »1.

Bien que l’Ordre puisse éclairer la population et le législateur sur différents enjeux liés à ses domaines d’expertise, ce rôle trouve ses limites dans le fait que le gouvernement est élu démocratiquement et qu’il peut prendre des décisions contraires à nos avis et à nos recommandations.

Concrètement, nous ne pouvons imposer au gouvernement ou aux établissements d’agir contre le manque de travailleurs sociaux dans le réseau, mais nous pouvons intervenir en faveur de l’accès à des services sociaux gratuits, publics, de qualité et en quantité suffisante sur l’ensemble du territoire.

Nous pouvons également – et nous le faisons – sensibiliser le législateur à l’importance d’exiger des établissements qu’ils vous permettent d’exercer vos professions en respectant votre Code de déontologie et votre jugement professionnel.

Protéger le public, ça passe aussi par là!